Le droit de surplomb en copropriété
Dans le cadre de la loi Climat et Résilience, qui entend accélérer la transition écologique de la France, il est possible pour un propriétaire (ou une copropriété) qui isole par l’extérieur un bâtiment d’empiéter sur la parcelle voisine et d’accéder temporairement à cette parcelle pendant la durée des travaux (article L.113-5-1 du Code de la construction et de l’habitation).
Cela s’applique sous certaines conditions et en contrepartie d’indemnités détaillées ci-dessous.
Conditions d’application du droit de surplomb
Le droit de surplomb peut s’appliquer à l’occasion de la réalisation d’une isolation de façade par l’extérieur (pas pour une isolation de toiture).
Les conditions sont les suivantes :
- aucune autre solution technique ne permet d’atteindre un niveau de performance énergétique équivalent ;
- les autres solutions techniques présentent un coût ou une complexité excessive.
Le droit de surplomb s’applique dans la limite de 35 cm de largeur.
L’isolant ne peut être posé qu’à 2 mètres au moins au-dessus du pied du mur, du pied de l’héberge ou du sol (sauf accord préalable du voisin pour descendre plus bas) :
Le droit de surplomb comporte également un droit d’accès temporaire à la propriété voisine, afin de pouvoir réaliser l’isolation (pose d’un échafaudage par exemple).
Notification de mise en œuvre du droit de surplomb
Si le projet remplit les conditions , le syndicat des copropriétaires doit notifier au propriétaire (ou au syndicat de copropriété) voisin l’intention de réaliser une isolation par l’extérieur surplombant sa parcelle.
Cette notification doit être faite par un courrier recommandé avec accusé de réception, ou par un acte d’huissier de justice, au propriétaire voisin afin de l’informer du projet d’isolation thermique par l’extérieur. Il doit comprendre les éléments suivants :
- le nom et l’adresse du syndicat des copropriétaires ;
- le descriptif détaillé de l’ouvrage d’isolation envisagé, ainsi que des plans de façade ;
- les justificatifs démontrant qu’aucune autre solution technique ne permet d’atteindre un niveau d’efficacité énergétique équivalent ou que cette autre solution présente un coût et/ou une complexité excessive ;
- une proposition d’indemnité financière (pour le surplomb, ainsi que pour l’accès à la parcelle durant les travaux) ;
- le projet d’acte authentique qui fixe les modalités de droit de surplomb (c’est un acte notarié) ;
- le projet de convention, dite du tour d’échelle, qui permet d’accéder au fonds voisin pour la réalisation des travaux (ce n’est pas un acte notarié) ;
- la reproduction des dispositions de l’article L. 113-5-1 du Code de la construction et de l’habitation.
Cette notification précisera également qu’elle marque le point de départ du délai d’opposition de 6 mois dont dispose le propriétaire du fonds voisin, sur la base d’un motif légitime et sérieux.
Nos conseils
- Entamer des discussions avec le voisinage avant d’envoyer la notification. Un travail d’explication et de concertation en amont est primordial pour limiter au maximum les risques d’opposition au projet. Il peut être pertinent d’intégrer le maître d’œuvre aux échanges.
- Il est recommandé de privilégier l’acte d’huissier pour la notification de mise en œuvre du droit de surplomb (100 € à 150 € pour l’opération) pour assurer sa bonne réception.
- Il est conseillé de s’appuyer sur un professionnel (maître d’œuvre, bureau d’étude thermique…) pour justifier de l’impossibilité d’opter pour une autre solution technique que la mise en place d’une isolation par l’extérieur.
Indemnisations du propriétaire voisin
La mise en œuvre du droit de surplomb implique le paiement de 2 indemnités préalables, une pour le surplomb et une pour l’occupation temporaire de la parcelle. Le montant de ces indemnités n’est pas fixé par la loi, elles sont négociées entre les deux parties.
Par exemple, il est envisageable de calculer l’indemnité en se basant sur le prix du m² du secteur, en le multipliant par la surface au sol qui sera surplombée par l’isolation. Puis d’appliquer un coefficient correctif en fonction du type de surface surplombé (Balcon, Jardin, Toiture, …).
Une autre possibilité est de fixer l’indemnité autour de 50 % de la valeur vénale du terrain d’assiette de la servitude de passage pour enclave (option proposée par l’Union Nationale des Propriétaires d’Immeuble).
Notre conseil
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Privilégier la négociation à l’amiable concernant le prix de l’indemnisation. Il est également possible de solliciter un expert judiciaire amiable en accord avec les deux parties, pour proposer une indemnisation raisonnable.
Droit d’opposition du propriétaire voisin
Le propriétaire du fonds voisin peut, dans un délai de 6 mois à compter de la notification :
- s’opposer à l’exercice du droit de surplomb de son fonds pour un motif sérieux et légitime tenant à l’usage présent ou futur de sa propriété (exemples : projet précis de construction en limite séparative, projet de surélévation, …) ou à la méconnaissance des conditions de mise en œuvre du surplomb ;
- s’opposer au droit d’accès à son fonds et à la mise en place d’installations provisoires si la destination, la consistance ou la jouissance de ce fonds en serait affectée de manière durable ou excessive.
Pour s’opposer à la réalisation de l’isolation, le propriétaire du fonds voisin dispose de 6 mois pour saisir le président du tribunal judiciaire du lieu où se situe l’immeuble. Le juge pourra alors statuer sur l’exercice du droit de surplomb en procédure accélérée (dure en moyenne 6 mois).
Dans le cas où les deux parties n’arriveraient pas à s’accorder sur le montant de l’indemnité, le propriétaire du fonds voisin dispose également de 6 mois pour saisir le président du tribunal judiciaire du lieu où se situe l’immeuble. Le juge fixera alors le montant des indemnités précitées.
Dans le cas où le voisinage serait une copropriété, la procédure fonctionne de la même manière. Le syndic de la copropriété voisine doit soumettre au vote en AG la possibilité d’exercer ou non son droit de contestation. Doivent être mis à l’ordre du jour les éléments suivants :
- la question de l’acceptation de la proposition faite par la copropriété désirant mettre en œuvre son droit de surplomb et d’accès au fond pour la réalisation des travaux ;
- la question de la saisine du juge en opposition à l’exercice des droits précédemment cités ;
- la question de la saisine du juge en fixation des indemnités prévues aux I et II de l’article L.113-5-1 du Code de la construction et de l’habitation ;
- les documents notifiés au syndicat des copropriétaires par le propriétaire du bâtiment à isoler doivent être joints à la convocation de l’assemblée générale.
Cette assemblée doit se tenir dans un délai qui préserve la faculté du syndicat de saisir le juge dans le délai de 6 mois.
En cas d’absence de réponse de la part du propriétaire voisin, le propriétaire du bâtiment à isoler devra saisir lui-même le juge pour fixer les conditions de mise en œuvre du droit de surplomb. La non-réponse ne suffit pas à exercer le droit de surplomb, il reste nécessaire que le voisinage signe l’acte authentique pour le surplomb et la convention d’accès à la parcelle voisine.
Contenu de la convention d’accès temporaire
La convention pour l’accès temporaire au fonds voisin doit notamment préciser les éléments suivants :
- La localisation et le périmètre de l’accès au fonds à surplomber à prévoir pour la réalisation des travaux d’isolation thermique par l’extérieur, ainsi que la durée d’accès au fonds ;
- La nature des installations provisoires à mettre en place pour la réalisation des travaux d’isolation, et les conditions de cette mise en place, notamment concernant la protection du fonds à surplomber ;
- L’indemnité due en contrepartie des droits d’accès et d’installation temporaires ;
- Le cas échéant, les mesures prévisionnelles de remise en état du fonds voisin.
Démarrage des travaux d’isolation
Les travaux ne pourront démarrer qu’à l’issue de la signature des documents notariés (l’acte authentique du droit de surplomb et la convention d’accès temporaire à la parcelle lors des travaux) ou après décision de justice en faveur du syndicat des copropriétaires en cas d’opposition du voisin. Les indemnités doivent être préalablement acquittées.
Il est également nécessaire de notifier préalablement au propriétaire voisin le choix de l’artisan ou de l’entreprise sélectionnée pour réaliser les travaux, par lettre recommandée avec accusé de réception. Cette lettre doit comprendre les informations suivantes :
- les noms, prénoms, adresses postales et électroniques, et coordonnées téléphoniques des personnes ou entreprises appelées à intervenir ;
- le numéro d’inscription au répertoire des entreprises et de leurs établissements;
- le numéro de police d’assurance responsabilité décennale, dès qu’elle est souscrite.
Il est plus prudent de signer ces documents avant de s’engager auprès de l’entreprise qui réalisera l’isolation, notamment en signant un devis. Cela implique en revanche que le prix des devis pourra évoluer en fonction du délai de validation, il faudra alors prévoir cette marge de prix lors de l’assemblée générale (qui peut couvrir d’autres aléas et qui sera restituée en cas de non-affectation) ou voter les travaux lors d’une assemblée générale exceptionnelle, après la signature des actes authentiques.
Toutes ces démarches entraînent des coûts supplémentaires pour le syndicat des copropriétaires. Il est nécessaire, en effet, de prévoir le coût de 2 actes notariés (un pour la convention de surplomb, et un autre pour l’accès temporaire au fonds voisin), ainsi que le coût de l’indemnité financière à destination du voisin.
Le droit de surplomb a-t-il une durée limitée dans le temps ?
Le droit de surplomb n’est pas définitif.
Si le propriétaire du fonds surplombé obtient une autorisation administrative de construire en limite séparative ou en usant de ses droits mitoyens, et que la mise en œuvre nécessite la dépose de l’ouvrage d’isolation, les frais de cette dépose incombent au propriétaire du bâtiment isolé.
Ressources
- Agence Parisienne du Climat & JBR Avocats – Solutions Pro | Droit de surplomb et droit de propriété [Vidéo YouTube]. (23/04/2024) ;
- Ordre des Architectes – Le droit de surplomb précisé. (Mis à jour 01/05/2024) ;
- Agence Départementale d’Information sur le Logement de Maine-et-Loire – Semaine de la copropriété – 5ème édition – Le droit de surplomb. (S. d.) ;
- UNPI – 25 millions de propriétaires – Droit de surplomb pour l’isolation thermique par l’extérieur d’un bâtiment. (06/10/2022) ;
- Légifrance – Article L113-5-1 – Code de la construction et de l’habitation. (Consulté le 09/07/2024) ;
- Légifrance – Décret n° 2022-926 du 23 juin 2022 relatif au droit de surplomb pour l’isolation thermique par l’extérieur d’un bâtiment. (Consulté le 09/07/2024).